Banques : les autorités veulent assouplir les règles sur les entreprises très endettées

Face à la dette astronomique de certaines grandes entreprises, les autorités veulent assouplir les règles qui s’appliquent aux banques qui leur prêtent de l’argent. C’est l’esprit d’une discussion menée mardi au sein du Haut conseil de stabilité financière (HCSF), présidé par le ministre des Finances Bruno Le Maire.

Depuis juillet 2018 et jusqu’au 30 juin 2023, une mesure s’appliquant aux grandes banques systémiques, comme BNP Paribas, Société Générale ou encore Crédit Agricole, vise à limiter à un niveau maximum de 5 % de leurs fonds propres éligibles leurs expositions sur les grandes entreprises les plus endettées.

Les critères définissant ces entreprises sont précis : elles doivent présenter des frais financiers supérieurs au tiers de leur bénéfice et une dette supérieure à 100 % de leurs fonds propres. Par ailleurs, l’exposition de la banque à l’entreprise concernée doit être supérieure à 300 millions d’euros. Bref, on parle de gros animaux.

Mesure binaire

« C’est une mesure qui visait à éviter qu’une très grande entreprise qui connaîtrait des difficultés fragilise le noyau du secteur bancaire français, explique une source proche du HCSF. Aujourd’hui, cette mesure est respectée, mais dans le contexte actuel, on a souhaité introduire un peu plus de souplesse ».

Car la mesure dite « grands risques » est binaire : soit l’exposition de la banque à l’entreprise très endettée est inférieure à 5 % de ses fonds propres et tout va bien. Soit elle dépasse 5 % et la banque doit immédiatement – dans un délai de quelques jours – repasser en dessous en réduisant ses lignes de crédit ou en augmentant ses fonds propres .

Avant l’échéance du 30 juin, le HCSF envisage donc une alternative. « Il étudie la mise en place, en relais, d’une mesure proportionnée de surcharge en capital », selon un communiqué. Prévu par les textes européens, ce type de coussin est déjà appliqué ailleurs en Europe.

« Aujourd’hui, toutes les banques sont en conformité avec la mesure et il n’y aurait pas d’impact et d’exigence en capital supplémentaire », précise une source proche de Bercy. Mais les autorités veulent apparemment parer à toute éventualité.

« Résilience du secteur financier »

Bercy a refusé de dire si EDF pourrait être concerné, refusant de pointer du doigt une entreprise particulière. Le géant français du nucléaire affichait fin 2022 un endettement net de 64,5 milliards d’euros (contre 43 milliards un an plus tôt) et une perte nette de près de 13 milliards.

Officiellement, le but du HCSF n’est pas de lâcher la bride aux banques. « Le Haut conseil surveille attentivement les risques liés à l’endettement des entreprises et invite en particulier les établissements de crédit à maintenir leur vigilance quant à leurs expositions aux grandes entreprises les plus endettées », indique-t-il.

De fait, si l’organe chargé de surveiller les risques systémiques « constate la résilience du secteur financier », l’inflation et la remontée des taux pourraient fragiliser les acteurs économiques, à commencer par ceux qui sont très endettés, et par ricochet affecter les banques.

Or les niveaux de dette par rapport au PIB demeurent à des niveaux élevés, supérieurs à ceux des autres pays européens, note le HCSF : au troisième trimestre 2022, l’endettement brut des ménages français représentait 66 % du PIB et celui des entreprises 81 %, contre respectivement 58 % et 61 % en zone euro.