Chaque crise voit émerger une poignée de traders téméraires. Said Haidar est l’un d’entre eux. Trader, au début de sa carrière dans deux banques qui allaient connaître un sort funeste, Drexel Burnham Lambert puis Lehman Brothers , il connaît cette année la consécration avec son fonds Haidar, lancé en 1997. Le hedge fund a enregistré un gain de 200 % en 2022 et jusqu’à 270 % en cours d’année. Entre 2019 et 2021, le fonds américain avait gagné entre 27 % et 69 %. Les fonds de sa catégorie, « global macro » c’est-à-dire investissement sur tous les grands marchés, ont progressé de 9 % l’année dernière, selon Hedge Fund Research (HFR).
Said Haidar a empoché 314 millions de dollars de commissions liées à la performance de son fonds. Il est aussi investi dans son propre hedge fund et son investissement s’est apprécié de 645 millions de dollars. La performance de son fonds l’a propulsé au 6e rang des gérants les mieux payés en 2022, dans le classement établi par l’agence Bloomberg. Le hedge fund avait plus de 400 clients (particuliers, institutionnels…) fin 2022, dont 29 % n’étaient pas américains. L’investissement minimal est élevé (100.000 dollars) comme c’est le cas dans la plupart des hedge funds.
Le gérant fondateur de Haidar, Said Haidar avait débuté l’année en pariant sur une hausse massive de l’inflation et des taux d’intérêt de la Réserve fédérale. Comme beaucoup de fonds il avait donc spéculé sur le plongeon du cours des obligations (T-bonds américains, dette européenne). Pour multiplier ses gains, il avait emprunté beaucoup d’argent à ses « prime brokers » (les courtiers spécialisés comme Goldman Sachs ou Morgan Stanley qui traitent avec les hedge funds). Pour un dollar de son capital investi sur les marchés il en avait emprunté 50. Fin 2022, ses positions sur les marchés étaient de l’ordre de 62 milliards de dollars.
Un « effet de levier » aussi élevé, atypique, peut très vite condamner à la déroute un trader peu performant. Selon les données de la Réserve fédérale, l’effet de levier des hedge funds (total de leurs positions rapportées à leur capital) a évolué entre 6 et 9 depuis 2013. Certaines stratégies comme sur la dette d’Etat sur laquelle Haidar traite ont davantage recours à l’endettement pour augmenter leurs positions spéculatives afin de profiter de petites variations.
Hausse des taux en 2023
Said Haidar continue d’anticiper des hausses des taux des banques centrales cette année et une inflation élevée. Le repli des rendements obligataires en janvier, qui a fait chuter son fonds de 13 %, ne devrait pas persister bien longtemps, selon lui. En règle générale, les hedge funds qui délivrent une performance très atypique une année, enregistrent ensuite un afflux d’argent des investisseurs et une baisse de leur performance qui revient dans la norme. Après 151 % de gain l’année dernière, le hedge fund de Crispin Odey n’a progressé que de 2 % en janvier.