
Publié le 30 nov. 2022 à 21:23Mis à jour le 1 déc. 2022 à 0:57
«L’inflation demeure bien trop élevée». A deux reprises, le président de la Réserve Fédérale des Etats-Unis, Jerome Powell, a martelé son message guerrier, ce mercredi, lors d’ un discours au Brookings Institute . A deux semaines d’une probable nouvelle hausse des taux directeurs de la Fed, le 14 décembre, l’oracle qui captive les marchés a rappelé à l’ordre les investisseurs qui se prenaient à rêver d’un assouplissement de la ligne officielle. Mais il a aussi rassuré, en confirmant que la prochaine hausse de taux serait un peu moins brutale que les précédentes.
«Malgré une politique plus restrictive et une croissance plus lente au cours de l’année, nous n’avons pas vu de net progrès du ralentissement de l’inflation», a souligné Jerome Powell. «Le moment de modérer le rythme des augmentations de taux pourrait venir dès le meeting de décembre», a-t-il déclaré, mais «il est probable que pour restaurer la stabilité des prix, il faudra conserver une politique restrictive pendant quelque temps».
Cette annonces d’une future modération de la hausse des taux a conforté les marchés puisque le Nasdaq a terminé en vive hausse, à +4,41% à la clôture de Wall Street, le Dow Jones s’appréciant pour sa part de 2,16% en fin de séance.
Avant son intervention, le marché anticipait une hausse de 50 points de base, après quatre hausses consécutives de 75 points. La dernière remonte à novembre . Des hausses moins fortes, mais encore nombreuses; c’est en substance ce qu’avait déjà annoncé la Fed en novembre. Depuis mars, elle a relevé ses taux directeurs de 375 ou de 400 points de base, les portant à 3,75% ou 4% suivant les régions.
Peler l’oignon de l’inflation
Les déclarations de la vice-présidente de la Fed, Lael Brainard, lundi, avaient suscité l’espoir d’une politique moins restrictive. Dans un discours prononcé en Suisse, cette économiste a mis en avant la moindre efficacité des hausses de taux pour résoudre un «choc d’offre» créé par la pandémie de Covid et la guerre en Ukraine. A plus long terme, ce mécanisme monétaire risque aussi d’être moins efficace en raison du déclin démographique, de la démondialisation et de la transition climatique.
Ce mercredi, Jerome Powell a préféré donner une leçon d’économie sur les facteurs inflationnistes, pour montrer comment ils résistent à la politique monétaire. Pour cela, il a décortiqué l’inflation «coeur» (hors énergie et alimentation) – ce que le président de la Fed de New York, John Williams, appelle «peler l’oignon» de l’inflation .
Première couche, les biens essentiels. Ils sont en hausse de 4,6% sur douze mois, mais en recul de 3 points par rapport au pic de cette année. Les chaînes d’approvisionnement sont en train de se remettre d’aplomb, ce qui pourrait faire baisser les prix «dans les prochains mois».
Deuxième couche, les loyers et la valeur locative pour les propriétaires-occupants. Ce segment a continué à grimper à 7,1%, mais les loyers sont en baisse, si bien qu’on peut s’attendre à une chute des prix dans cette catégorie «à un moment donné l’année prochaine».
Troisième couche, les autres services, comme l’éducation, les soins, l’hôtellerie, les coiffeurs… Cette catégorie «pourrait être la plus importante pour comprendre l’évolution future de l’inflation-coeur», parce qu’elle est dominée par le poids de la masse salariale.
Une pénurie de 3,5 millions de travailleurs
Or depuis la mi-2021, le marché du travail est subitement devenu très tendu, avec 3,7% de chômage, et une pénurie d’au moins 3,5 millions de travailleurs. Cela crée de fortes tensions sur les salaires, même si la publication mercredi du nombre d’ouvertures de postes, en légère baisse (10,3 millions) montre que la politique monétaire commence à détendre un peu le marché du travail.
Parmi ces travailleurs manquants, 2 millions seraient dus à un surcroît de départs à la retraite . Certains actifs sont partis plus tôt que prévu en raison d’une santé dégradée suite à un Covid; pour d’autres, il s’agit de pertes d’emploi subies à un âge avancé, rendant difficile la réinsertion post-crise ; ou encore d’un effet richesse dû à l’euphorie boursière.
Après la crise sanitaire, le mouvement se poursuit : «les travailleurs âgés continuent à partir à des rythmes plus élevés, et les retraités ne semblent pas revenir sur le marché du travail en nombre suffisant pour réduire de manière significative le nombre total de retraités en excès», a souligné Jerome Powell.
Par conséquent, le patron de la Fed a appelé les pouvoirs publics à mener «des politiques de soutien à la participation au marché du travail», une manière de soutenir la croissance de la population active. Il n’a pas spécifié de mesure en particulier. De l’immigration à la formation continue, l’éventail des possibles est large.