Eurovita, premier assureur-vie européen placé sous tutelle publique

Publié le 1 avr. 2023 à 11:00

En Italie, l’attente s’éternise pour les 350.000 clients de la compagnie d’ assurance-vie Eurovita. Les autorités romaines ont annoncé jeudi soir la prolongation du gel des avoirs de la société jusqu’au 30 juin, pour éviter des retraits panique . Elles ont aussi placé l’entreprise en difficulté sous « administration extraordinaire ».

L’annonce de ce régime d’exception était attendue. Décidée par le ministère des entreprises italien, la tutelle publique peut durer un an et être renouvelée. Elle doit permettre d’éviter la faillite de la société, en manque de capitaux. Mais le scénario du sauvetage reste, à ce jour, incertain.

Solvabilité insuffisante

Acteur de poids moyen, avec environ 15 milliards d’euros d’encours d’assurance-vie, Eurovita est dans son secteur d’activité la première victime de la hausse des taux dans la zone euro.

Son ratio de solvabilité était déjà inférieur à la moyenne des assureurs italiens fin 2021, à 134 % contre 230 %. Il serait passé sous le seuil réglementaire de 100 % à la suite de la dépréciation de son portefeuille d’obligations.

Ce type de placements est pénalisé par le durcissement de la politique monétaire, qui rend ces produits moins rémunérateurs et peut inciter les épargnants à retirer leurs fonds. Pour les satisfaire, l’assureur doit à son tour céder des actifs, et enregistre donc des moins-values.

Il est clair qu’une solution systémique doit être trouvée, nous sommes prêts à l’entendre

En février, le fonds Cinven, actionnaire majoritaire d’Eurovita, a accepté d’injecter 100 millions de fonds propres, mais cela ne suffit pas à combler le déficit de capital, estimé à 400 millions d’euros.

Pour éviter une crise de confiance et la fuite des clients, l’Ivass, le régulateur de l’assurance, avait bloqué les retraits des contrats gérés par Eurovita du 6 février au 31 mars, après le placement de la société sous tutelle provisoire, fin janvier. Les dernières semaines n’ont pas permis de trouver une solution de Place pour sauver l’assureur-vie.

Alessandro Santoliquido, ponte du secteur et administrateur temporaire depuis février, a été nommé commissaire à la gestion extraordinaire d’Eurovita, dont les organes de direction ont été dissous.

Un nouveau conseil de surveillance a été nommé afin « d’accompagner la définition d’une solution de marché », indique l’Ivass.

La finance italienne mobilisée

Jeudi, la presse italienne évoquait un plan de sauvetage de 250 à 300 millions d’euros. Selon « Il Sole 24 Ore » et le « Corriere della Sera », les deux premiers assureurs italiens, Generali et Unipol, seraient impliqués dans les négociations, mais soucieux de préserver leurs intérêts.

Lors de la présentation de ses résultats annuels, Philippe Donnet , le directeur général de Generali, avait tenu à se démarquer d’un Eurovita qui ne fait « pas le même métier ». Il avait insisté sur son modèle d’entreprise « très solide » s’appuyant sur un « réseau d’agents très professionnels », alors que son petit concurrent est dépendant des banques pour écouler ses produits.

Or, les réseaux bancaires vendent désormais aux épargnants beaucoup de bons du Trésor italiens et des obligations bancaires, au détriment de l’assurance-vie.

Les banques, justement, pourraient être elles aussi mises à contribution. Sont citées Fineco Bank, Credem, Fideuram et Sparkasse, parmi les dizaines d’enseignes qui distribuaient les produits d’Eurovita.

« Pas de signe de nervosité »

Enfin, Intesa Sanpaolo , première banque du pays, et la Poste nationale auraient été sollicitées. « Il est clair qu’une solution systémique doit être trouvée, nous sommes prêts à l’entendre, a déclaré jeudi Matteo Del Fante, le patron de la Poste italienne. Les institutions s’en occupent, nous ne voyons aucun signe de nervosité chez nos investisseurs et les taux de rachats restent inchangés ».

La répartition des rôles reste floue. Reuters évoquait jeudi soir un apport de fonds propres par les assureurs, et de prêts par les banques. La presse locale espérait l’annonce concomitante d’un plan de sauvetage et de l’administration extraordinaire. Pour le moment, seule cette dernière a été décrétée.