Profits historiques pour le négociant de matières premières Trafigura

Publié le 8 déc. 2022 à 18:50

Parmi les grands gagnants de la volatilité extrême des marchés de matières premières figurent sans aucun doute les négociants dont l’activité consiste à acheter, transporter ou transformer, et revendre des ressources naturelles. Trafigura , l’une des plus grandes maisons de trading, a enregistré un résultat net de 7 milliards de dollars au cours de son dernier exercice fiscal clos fin septembre. Le chiffre d’affaires a explosé, à 318,5 milliards de dollars.

Jamais le groupe basé à Genève n’avait dégagé autant de profits. 7 milliards de dollars, c’est davantage que le cumul des bénéfices de ces quatre dernières années. « Même dans ses rêves les plus fous, Claude Dauphin [le cofondateur, NDLR] n’aurait pas osé rêver d’un tel exploit ! », a tweeté Jean-François Lambert, consultant et ancien responsable du financement du négoce chez HSBC.

Le négociant Trafigura a toujours été rentable, mais la volatilité engendrée par la guerre en Ukraine a créé les conditions parfaites pour doper les profits. Les salariés actionnaires du groupe vont d’ailleurs se partager une généreuse enveloppe de dividendes de 1,7 milliard de dollars. Les rivaux, Glencore, Vitol ou Gunvor ont eux aussi vu leurs bénéfices s’envoler.

Contreperformance des métaux

Bien que Trafigura ait négocié chaque jour 6,6 millions de barils de pétrole (mb/j) en 2022 contre 7 mb/j en 2021, l’année sur ce segment a été « d’une exceptionnelle solidité », explique le directeur financier du groupe Christophe Salmon. La baisse des volumes s’explique par la fin des relations commerciales avec les compagnies pétrolières et gazières en Russie.

Du côté des métaux, la performance n’a en revanche pas été totalement au rendez-vous. Cette division a vu son résultat d’exploitation reculer de 24 % en raison des confinements en Chine et de la crise énergétique en Europe. Les restrictions sanitaires dans l’ex-Empire du Milieu ont freiné la demande de métaux et une usine de zinc en Europe appartenant au groupe a dû en partie cesser sa production à cause de l’envolée des prix de l’énergie.

Mis à rude épreuve

Le directeur général Jeremy Weir évoque « une volatilité sans précédent », mais aussi « d’importants changements structurels » dans l’industrie. L’année qui vient sera « au moins tout aussi difficile », prévient-il. « Ce que nous faisons – mettre à disposition des ressources vitales – est non seulement devenu plus complexe, mais aussi plus stratégique et plus demandé que jamais ».

L’envolée des profits s’est faite au prix de turbulences qui ont tout de même mis les maisons de trading à rude épreuve . Pour acheter des cargaisons de pétrole, il faut avoir accès à des sommes d’argent colossales qui augmentent avec l’envolée des cours. Or par gros temps, les banques ont tendance à réduire la voilure dans le secteur. Trafigura se félicite ainsi d’avoir réussi à convaincre des établissements d’augmenter ses lignes de crédits.

Les négociants doivent également se couvrir sur les marchés de dérivés, des opérations qui mobilisent beaucoup plus de liquidités que d’habitude , notamment dans le gaz. En raison de la volatilité, les chambres de compensation ont très fortement augmenté les marges initiales, une garantie qu’on doit envoyer avant de pouvoir mettre en place une position. Sur le gaz, cette marge a pu atteindre 60 % de la valeur du contrat.

De nombreux intervenants sont sortis du marché, ce qui a asséché la liquidité, amplifié la volatilité et in fine créé des pics de prix artificiels. Dans ce contexte, certains traders ont même appelé les banques centrales à leur fournir d’urgence des liquidités pour continuer à approvisionner correctement l’Europe en gaz. Un appel resté à ce jour sans réponse.