Plafond de la dette : options des Etats-Unis

Publié le 30 janv. 2023 à 17:27Mis à jour le 30 janv. 2023 à 19:03
Jusqu’ici, tout va bien. Mais pour combien de temps ? A Washington, le bras de fer politique sur le plafond de la dette souveraine n’a pas encore dégradé la notation crédit du pays. Les trois principales agences, Standard & Poor’s, Moody’s et Fitch ont pour l’instant confiance dans la capacité du Congrès à relever ce plafond pour honorer les engagements déjà contractés par les Etats-Unis. Mais le doute s’est installé.
En effet, les trois agences phosphorent déjà sur ce qu’elles devraient faire en cas de défaut « bien ordonné ». Elles ont intégré l’idée que le gouvernement chercherait à atténuer l’impact d’un tel défaut, en remboursant rubis sur l’ongle les bons du Trésor et en faisant au contraire patienter des entreprises sous contrat avec l’administration fédérale ou bien les allocataires de la Sécurité sociale.
La secrétaire au Trésor Janet Yellen rejette certes l’idée que la priorisation des remboursements soit une solution. Elle ne cesse de répéter qu’elle n’empêcherait pas le défaut, car « les systèmes du Trésor ont tous été conçus pour régler toutes nos factures quand elles sont dues et à l’heure ».
Toutefois, en 2011, lors du précédent bras de fer sur la dette, l’administration Obama avait bel et bien préparé un plan de secours de « priorisation ». Ces préparatifs secrets – il ne fallait pas mettre en péril la négociation d’un accord politique – ont été exposés au grand jour par la suite.
Prioriser, est-ce éviter un défaut ?
Pour Fitch, une telle priorisation ne sauverait pas la crédibilité de l’émetteur souverain. « Si pour une raison ou une autre, ils dépassaient le jour J et cessaient les paiements sur les obligations – quelles qu’elles soient – cela ne serait pas cohérent avec une notation AAA », a déclaré Richard Francis, de Fitch Ratings, à Bloomberg, qui a interrogé les trois agences.
Moody’s et S&P sont plus mesurés. « Si un versement [sur la dette] était manqué, ce serait un défaut. Quant aux autres versements non liés au service de la dette, si vous les priorisiez et retardiez les autres, ce serait un sujet séparé, sur lequel on ne se concentrerait pas en termes d’incident crédit », estime William Foster de Moody’s.
Chez S&P, Joydeep Mukherjee explique que la note pourrait être ajustée en cas de priorisation « s’il y avait d’autres raisons de penser que la note devrait être abaissée ». Les retards de paiement des allocations sociales « ne sont pas un cas de défaut », mais « pourraient indiquer d’autres problèmes que le fait que le gouvernement ne peut pas payer ses factures à temps ».
Tous les stades de l’angoisse
Standard & Poor’s est la seule agence parmi les trois à avoir dégradé d’un cran les Etats-Unis lors de la crise de 2011. La note est tombée à AA+ à long terme, A-1+ à court terme. En mars 2022, cette note a été réaffirmée : élevée grâce à une économie diversifiée et résiliente, une politique monétaire souple, une devise qui est la première monnaie de réserve mondiale ; mais diminuée par une forte dette.
Depuis lors, les Etats-Unis ont pris de nouveaux engagements et fait grimper la dette à 31,4 milliards de dollars. Le plafond légal est techniquement dépassé depuis le 19 janvier. Du coup, le gouvernement fédéral recourt à des expédients pour régler ses créanciers, en puisant dans des poches d’argent dormant.
Ces moyens seront épuisés début juin, affirme Janet Yellen. Certains analystes tablent plutôt sur juillet, voire août. Si les parlementaires ne trouvent pas d’accord d’ici là, les marchés financiers risquent de passer par tous les stades de l’angoisse.