
Publié le 1 févr. 2023 à 18:41Mis à jour le 1 févr. 2023 à 19:00
Les thermomètres ne donnent pas tous la même température. Pour mesurer chaque mois l’ampleur de la hausse des prix, les Etats-Unis naviguent depuis des années entre deux indicateurs : d’un côté le CPI, produit par l’office statistique du ministère du Travail (BLS) ; de l’autre le PCE, concocté par celui du Commerce (BEA).
Selon l’indicateur qui est choisi, la température n’est pas aussi chaude sur le front de l’inflation américaine : en décembre, le CPI a affiché une hausse des prix à la consommation de 6,5 % sur un an. Le PCE est nettement moins sombre : l’inflation n’est déjà plus que de 5 % sur un an, estime l’indicateur, soit 1,3 point de moins qu’en septembre. Hors énergie et alimentation, deux postes réputés volatils, la hausse des prix mesurée par le PCE est même limitée à 4,4 % sur un an.
Anticipations d’inflation
L’écart entre les deux mesures n’est pas sans conséquence : les ménages américains entendent bien davantage parler du CPI, notamment parce que le chiffre est publié, chaque mois, deux semaines plus tôt que l’index PCE. Le chiffre peut donc influencer leurs anticipations d’inflation.
Pour conduire sa politique monétaire, la Réserve fédérale privilégie en revanche depuis des années le PCE. A cet aune, elle pourrait donc juger que la marche à franchir pour ramener l’inflation au niveau du mandat qui lui est donné par le Congrès (2 %) est bien moins haute à franchir que ne le suggère le CPI.
Effets de substitution
Les différences entre les deux indicateurs s’expliquent. Le CPI mesure l’évolution des prix à partir d’un panier de biens et services modifié tous les deux ans – chaque année depuis ce début 2023. Le PCE prend de son côté tous les ménages en compte, et évalue la consommation quasiment en temps réel, en intégrant les effets de substitution entre produits.
Cela pourrait conduire à des biais : si les ménages arrêtent d’acheter des voitures parce qu’elles sont trop chères, elles pèseront moins lourd dans l’indicateur sans que leur prix ait baissé. Mais avec des hausses de prix largement diffusées dans tous les secteurs, « on a moins de substitutions entre produits, elles se font davantage sur un critère de qualité », estime Gregory Daco, chef économiste à EY Parthenon.
D’autres différences existent pour mesurer l’inflation immobilière ou des services de santé : le CPI prend en compte les loyers qu’auraient payés les propriétaires, mais ne mesure en revanche que le « reste à payer » des ménages en matière de santé, tandis que le PCE prend aussi en compte la hausse des prix des soins assumée par l’employeur ou le gouvernement.
L’évolution des deux indices va toutefois dans le même sens. « Et on va être surpris d’ici mars à avril, parce que même si le prix de l’essence a rebondi en janvier et celui des véhicules d’occasion moins baissé, la mécanique désinflationniste prend de l’ampleur dans l’immobilier et les loisirs », juge Gregory Daco. Et, un an après le début de la guerre en Ukraine, « il y aura un effet de base en annuel assez fort ».