
Publié le 7 janv. 2023 à 16:09
Quelques bleus sur le green. La transition climatique, qui a longtemps été un sujet consensuel entre banques , devient progressivement un terrain de rivalité : plus que par le passé, les annonces permettent non seulement d’afficher des initiatives en faveur de la planète ou de la société, mais aussi de se différencier de la concurrence. Quitte parfois à agacer.
En témoigne l’annonce, jeudi, par le Crédit Mutuel Alliance Fédérale (CMAF) d’un « dividende sociétal » : le groupe s’est engagé à consacrer désormais 15 % de son résultat annuel (environ 500 millions d’euros par an sur la base des résultats 2021) « au financement de projets de transformation environnementale et solidaire ».
Cette somme sera affectée pour moitié à un fonds d’investissement « à impact », à hauteur de 15 % à des opérations de mécénat et pour 35 % à la « transformation des pratiques » en bancassurance. Le groupe pense notamment à la suppression du questionnaire de santé pour les malades et anciens malades, une mesure qui avait déjà pris de court le monde de l’assurance-emprunteurs fin 2021… avant d’être généralisée par le législateur.
« Nous le faisons aussi »
« Ponctionner du résultat en situation de crise, beaucoup le font, nous le faisons aussi », a réagi jeudi sur BFM Business Philippe Brassac, directeur général du Crédit Agricole et président de la Fédération bancaire (FBF), après avoir toutefois félicité Nicolas Théry, le président de CMAF, pour ses annonces.
En coulisse, d’autres ne se privent pas de minimiser ou de relativiser les mesures annoncées par le groupe mutualiste. D’autant que tous les établissements n’ont pas le même statut : une banque mutualiste (Crédit Mutuel, les caisses régionales de Crédit Agricole, BPCE…) n’a pas d’actionnaires à rémunérer et met tout son résultat en réserve, alors qu’une banque cotée distribue typiquement autour de 50 % de son résultat en dividendes ou rachats de titres.
Sur le fond, la difficulté est de rendre les engagements comparables d’une banque à l’autre. A titre d’exemple, BNP Paribas promet dans son plan stratégique à horizon 2025 de mobiliser d’ici là 350 milliards d’euros « au travers des activités de crédits et d’émissions obligataires durables, liées aux sujets environnementaux et sociaux ». Quant au groupe Crédit Agricole, il a présenté fin 2021 un « projet sociétal » autour de dix engagements , dont le lancement prochain d’un fonds d’un milliard d’euros pour aider l’agriculture et l’agroalimentaire à s’adapter et lutter contre le changement climatique.
Les tensions grandissent avec les ONG
L’urgence climatique se faisant plus forte, les tensions grandissent aussi entre les banques et les ONG. En septembre dernier, Reclaim Finance avait présenté un comparateur baptisé « Change de banque » destiné à identifier les banques les plus vertueuses sur le climat.
Une approche alors critiquée par BNP Paribas dans un courrier à l’organisation. « Le site compare les quatre grandes banques françaises […] à des banques aux périmètres d’activités plus restreints. Cela tient plus à un état de fait – leur absence ou quasi-absence du crédit aux grandes entreprises en général – qu’à une réorientation significative de leurs portefeuilles depuis l’Accord de Paris », avait alors taclé la banque, dans une critique voilée au résultat favorable obtenu par La Banque Postale.
Les relations ne sont pas non plus au beau fixe avec Oxfam : l’ONG qui vient de saluer le « dividende sociétal » du Crédit Mutuel est aussi celle qui a récemment mis en demeure (avec Les Amis de la Terre et Notre affaire à tous) BNP Paribas pour contraindre le groupe à cesser le financement de nouveaux projets d’énergie fossile.