Les marchés placent Lula sous surveillance négative

Publié le 21 nov. 2022 à 21:43

Les marchés financiers ne goûtent guère le flou artistique entretenu par Luiz Inacio Lula da Silva depuis sa victoire à la présidentielle le 30 octobre. Depuis la fin du mois dernier, la Bourse de Sao Paulo a reculé de 5,2 % à 108.870 points. Sur le marché des changes, le dollar a accumulé des gains de 4 % en moins de trois semaines, et les taux d’intérêt ont également été sous pression.

Le stress a été provoqué par la crainte du dérapage des dépenses publiques. Avant de prendre les rênes du pouvoir au 1er janvier au terme de la période de transition, l’équipe de Lula a demandé une enveloppe budgétaire supplémentaire de quelque 30 milliards d’euros pour lutter contre la pauvreté. Un projet d’amendement constitutionnel prévoit en outre la suspension du principe du plafonnement des dépenses publiques pour une durée indéterminée. « Le gouvernement a l’air de demander un permis de dépenser sans limite », a immédiatement critiqué Edmar Bacha, l’un des économistes libéraux qui a rejoint le camp Lula durant la campagne présidentielle. De son côté, Alberto Ramos, de Goldman Sachs, a estimé qu’un tel projet renforçait « les inquiétudes du marché à l’égard de la rigueur de la gestion budgétaire à moyen terme ». Autrement dit, il ne s’agit pas seulement d’un problème de court terme…

Bras de fer ou conciliation ?

Le bras de fer entre Lula et le marché paraît ainsi engagé, dès la phase de transition. Sur un ton jugé provocateur par les investisseurs, Lula n’a pas hésité à privilégier la responsabilité sociale de son gouvernement par rapport à la responsabilité budgétaire. « Pourquoi les gens sont-ils obligés de souffrir pour garantir cette prétendue responsabilité budgétaire dans ce pays ? » s’interroge-t-il. Une déclaration qui avait déjà provoqué une chute de la Bourse de 3 % la semaine dernière. « Le gouvernement Lula va terminer avant de commencer », plaisantait alors en privé un investisseur brésilien.

Amateur de formules chocs, Lula a récidivé la semaine dernière : « Lorsque vous mettez en place ce prétendu plafonnement des dépenses… vous tentez de démanteler tout ce qui relève du social, et vous ne touchez pas un centime du système financier, vous n’enlevez pas un centime aux taux d’intérêt que les banquiers doivent recevoir », dit-il depuis Charm el-Cheikh, en marge de la COP27. Avant de railler la nouvelle réaction négative des marchés, provoquée, selon lui, par « des spéculateurs qui passent leur temps à spéculer » et non « par des gens sérieux ».

La défiance a déjà atteint un tel niveau que des économistes libéraux pro-Lula sont rapidement montés au créneau pour tenter de limiter les dégâts en publiant une lettre ouverte à Lula. Parmi eux, l’ancien président de la banque centrale Arminio Fraga a mis en garde contre « le retour d’un climat tendu, qui était justement le contraire de ce que l’on espérait. Tout cela perturbe l’économie, perturbe l’emploi, ce n’est pas bon », dit-il. Conciliant, Lula s’est déclaré disposé à suivre les conseils de ces économistes « s’il s’agit de bons conseils », tempère-t-il. Les marchés attendent des signes concrets de sa bonne foi.

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