
Publié le 25 déc. 2022 à 8:25
Il y a un avant et un après Orpea. Et Teleperformance en a fait les frais. Mi-novembre, quand le numéro un mondial des centres d’appels a été accusé de violation du droit du travail sur les modérateurs de TikTok en Colombie, les marchés ont réagi brutalement. Le titre qui fait partie du CAC 40 s’est effondré de près de 34 % , enregistrant sa plus forte baisse en une séance depuis que l’entreprise est cotée, soit depuis trente-trois ans. Les fonds ESG (prenant en compte l’aspect environnemental, social et la gouvernance), qui détenaient 20 % du capital flottant, ont vendu massivement leurs titres, avant même de savoir si les accusations étaient fondées.
« Les gens ont peur, la crainte d’un Orpea bis et l’aspect moutonnier des marchés peuvent aussi expliquer la réaction disproportionnée. C’est pour ça que l’on a racheté des titres », avait alors expliqué Olivier Rigaudy, directeur général délégué de Teleperformance, pour justifier un vaste programme de rachats d’actions.
Après les révélations fracassantes du livre « Les Fossoyeurs », qui dénonçait des dérives lucratives et des maltraitances dans les Ehpad gérés par Orpea , les investisseurs n’accordent plus le bénéfice du doute aux entreprises sur les controverses ESG. Teleperformance a eu beau démentir et sortir de cette activité, il n’a toujours pas regagné la confiance des investisseurs. Le titre cote toujours sous son cours du 10 novembre (266,20 euros), à 220,10 euros.
Rien vu venir
Les investisseurs sont devenus méfiants. Les notes émises par les agences de notation ESG et sur lesquelles les gestionnaires d’actifs s’appuient pour décider de leur investissement durable et mesurer leurs risques ont montré leurs limites . Orpea était plutôt mieux perçu que ses pairs par les principales agences de notation extra-financière. Gaïa Rating (EthiFinance), ISS-Oekom, MSCI, Sustainalytics : toutes lui avaient attribué une note supérieure à la moyenne, selon le document de référence de la société publié début 2021.
En septembre 2021, la note de risques de controverse d’Orpea fournie par Sustainalytics était de 2 sur une échelle de 5. De même pour Teleperformance. Pourtant, ce dernier avait déjà fait l’objet de controverses par le passé. En 2019, il avait été attaqué pour non-respect de son devoir de vigilance par l’association Sherpa et le syndicat UNI. Début décembre, Teleperformance a signé avec ce syndicat un accord mondial visant à renforcer leurs engagements communs en matière de droits des salariés à former des syndicats et à participer à des négociations collectives.
Pas régulées
Alors comment anticiper les risques ESG ? Aujourd’hui, les agences de notation extra-financières ne sont pas régulées. Mi-juin, l’Autorité des marchés financiers (AMF) qui répondait à une consultation publique de la Commission européenne, a pris position pour un encadrement réglementaire strict de ces acteurs. Ce cadre pourrait contraindre les agences à être plus transparentes sur leur méthodologie, à publier des procédures de contrôle interne et à avoir un dialogue renforcé avec les sociétés.
Mi-novembre, les parlementaires européens ont voté la directive CSRD, qui va bouleverser l’information extra-financière à partir de 2025 . Quelques jours plus tard, l’Efrag, chargé d’élaborer des normes uniques pour le reporting extra-financier, a présenté à la Commission européenne un jeu de 12 normes. Grâce à elles, l’Europe va parler le même langage sur les sujets de durabilité. Le travail des agences de notation devrait s’en trouver facilité.