Etats-Unis : l’immobilier commercial, nouveau foyer de crainte pour les banques

Publié le 3 avr. 2023 à 18:35Mis à jour le 3 avr. 2023 à 19:00

« C’est de loin le problème le plus grave qui se profile à l’horizon », selon Elon Musk. Le patron de Space X et de Twitter ne parle pas de la conquête spatiale, ni de la politisation à outrance de la vie politique américaine, mais d’une possible nouvelle crise bancaire, qui serait cette fois liée à l’immobilier commercial.

« Au cours des cinq prochaines années, plus de 2.500 milliards de dollars de dettes immobilières commerciales arriveront à échéance ». Or « les taux ont plus que doublé et l’immobilier commercial n’est occupé qu’à 60-70 %. Le refinancement de ces prêts sera incroyablement coûteux et conduira probablement à la prochaine crise majeure », alertait ces derniers jours la lettre professionnelle Kobeissi, à laquelle Elon Musk réagissait sur Twitter.

« Problème d’actifs »

« Bien que les récents problèmes aient été en grande partie des problèmes de liquidité, il y a aussi des problèmes d’actifs », pointe également la société d’analyse Oxford Economics. « Les banques américaines sont assises sur d’importantes pertes non réalisées sur les titres [obligataires] – potentiellement jusqu’à 3 % des actifs – en raison de la hausse des taux », mais elles sont aussi « confrontées à des pertes potentiellement importantes, de l’ordre de 15 % ou plus, dans des domaines tels que l’immobilier commercial, qui constitue une grande partie de leurs actifs, et les prêts à effet de levier », détaille dans une note Adam Slater, chef économiste.

Et après la débâcle de la californienne SVB et de ses petites consoeurs, ce sont encore les banques régionales qui sont en première ligne : les banques de moins de 250 milliards de dollars d’actifs « représentent environ 80 % des prêts immobiliers commerciaux », rappelle Goldman Sachs. Dès cette année, quelque 270 milliards de prêts commerciaux arrivent à échéance, selon la société d’études Trepp.

La Fed tempère les inquiétudes

Au-delà des conditions de financement qui se tendent, les prêts sont le plus souvent garantis sur les biens eux-mêmes, immeubles de bureaux ou pas-de-porte commerciaux. Or la valeur de ces biens a chuté depuis la pandémie : dans les grandes métropoles, le travail à distance a limité la demande, créant une offre excédentaire de mètres carrés.

La pression pour faire la vérité des prix pourrait s’accentuer rapidement avec la vaste vente d’un portefeuille de prêts d’immobilier commercial de la banque Signature en faillite. La FDIC, le fonds de garantie des dépôts, en a confié la cession au spécialiste des transactions immobilières Newmark.

A ce stade, la Réserve fédérale tempère toutefois les inquiétudes. « Nous sommes bien conscients des concentrations » de prêts dans l’immobilier commercial », mais « je ne pense vraiment pas que ce soit comparable » avec une situation à la SVB, a jugé le président de la Fed Jerome Powell, lors de sa dernière conférence de presse, le 22 mars. « Le système bancaire est fort, il est solide, il est résilient, il est bien capitalisé, et je ne vois pas du tout cela comme une situation analogue », a-t-il insisté.

Dans le meilleur des cas, Goldman Sachs estime de son côté que le seul resserrement du crédit induit par la crise de SVB, notamment dans l’immobilier commercial, amputera la croissance américaine d’un quart à un demi point de PIB cette année.