Publié le 16 déc. 2022 à 18:01Mis à jour le 16 déc. 2022 à 18:09
Les enquêteurs de l’Autorité des marchés financiers (AMF) ont dû pousser un soupir de soulagement vendredi après-midi. Ils craignaient que la Cour de cassation n’entrave leurs moyens d’action lors des visites domiciliaires, celles qui s’effectuent aux domiciles personnels ou professionnels des suspects pour récupérer des informations. Or, elle a au contraire conforté leurs pouvoirs.
Réunie en plénière, la Cour de cassation a conclu que les documents, ordinateurs et téléphones qui se trouvent sur un lieu déterminé peuvent être saisis par les enquêteurs de l’AMF. Et ce, dès lors que le juge des libertés et de la détention (le « JLD ») a désigné ce lieu comme pouvant faire l’objet d’une visite domiciliaire et de saisies, et à condition que les objets saisis aient un lien avec l’enquête. Le fait que ces documents, ordinateurs et téléphones appartiennent aux occupants des lieux ou à des personnes de passage n’entre pas en considération.
L’affaire qui a donné lieu à ce pourvoi en cassation concerne Diana Holding, un groupe de premier plan dans l’agroalimentaire marocain, actionnaire de MBWS (Marie Brizard Wine & Spirits), et sa PDG, Rita Zniber. Les enquêteurs ont profité d’un conseil d’administration, en 2017, au siège de la société à Ivry-sur-Seine, pour saisir les smartphones des deux administrateurs marocains, dont Rita Zniber. Ils ont, via ces téléphones, eu accès à leurs photos, vidéos et SMS personnels, mais aussi à leur messagerie professionnelle.
La même cour avait dit le contraire
Cette décision rendue par la Cour de cassation, vendredi, n’allait pas de soi. Fin octobre 2020, la chambre commerciale, financière et économique de la même cour avait dit précisément le contraire . Elle avait décrété que les enquêteurs ne pouvaient pas saisir les documents d’une personne qui est seulement de passage dans le lieu perquisitionné. Et que seuls les documents appartenant à celui qui occupe les lieux pouvaient être utilisés par l’AMF.
Mais cette décision rendue il y a deux ans n’a pas été définitive. Car, une fois n’est pas coutume, la cour d’appel de Paris devant laquelle avait été renvoyée l’affaire a contredit la position de la Cour de cassation. A nouveau, les mis en cause ont saisi la plus haute juridiction de l’appareil judiciaire, cette fois-ci en assemblée plénière. Entre-temps, en avril 2021, la commission des sanctions de l’AMF a prononcé contre le groupe et sa PDG une amende de 16 millions d’euros pour avoir commis un manquement d’initiés.
Menaces sur les moyens d’action
Mi-octobre, dans son discours de clôture du colloque annuel de la commission des sanctions, le secrétaire général de l’AMF, Benoît de Juvigny, s’était dit « inquiet des menaces qui pèsent sur certains de ses moyens d’action » . « Ces menaces ne doivent pas conduire à rompre un équilibre fragile qui permet aujourd’hui d’obtenir des résultats intéressants pour la commission des sanctions […] et indispensables pour conserver une réputation d’intégrité et rassurer le grand public et les professionnels », avait-il plaidé.