Après la modération tarifaire annoncée pour l’année prochaine, les assureurs risquent de renouer avec de fortes hausses en 2024. « Notre hypothèse, c’est qu’on va être sur des hausses qui seront inévitablement violentes, déclare Cyrille Chartier-Kastler, fondateur de Facts & Figures, un cabinet d’études spécialisé. On ne voit pas comment on pourra être en dehors de hausses de 6 % à 8 % en 2024 ».
Ces dernières années, les contrats d’assurance automobile et habitation ont connu des augmentations relativement faibles – comprises entre 1 % et 2 % – mais la hausse des prix va impacter la profession. Pour 2023, les assureurs se sont engagés sous la pression de Bercy à limiter la hausse des primes d’assurance des particuliers à un rythme inférieur à l’inflation. Celle-ci s’élève actuellement à 6,2 % en France.
En janvier, Cyrille Chartier-Kastler table donc sur des hausses de 3 % à 5 % dans l’assurance automobile et l’assurance habitation. Une évolution sensible des tarifs, mais qui aurait pu être pire pour les consommateurs.
L’expert estime en effet que les assureurs ont les moyens d’absorber l’inflation à court terme. Ils ont notamment fait des marges pendant les confinements (les assurés ayant peu conduit et donc eu peu de sinistres) même si les événements climatiques de 2022 ont inversement pesé sur leurs résultats.
Pression des salaires
Mais au-delà, les compagnies seront confrontées à trois formes de pression importantes. Premièrement, les salaires. Comme en témoignent les accords appliqués chez AXA ou Groupama, les revalorisations pourraient être en moyenne de l’ordre de 4 % à 5 % dans la profession dès l’an prochain. Une rupture après des années de modération salariale dans un contexte d’inflation au plancher.
Deuxièmement, les frais généraux. Au-delà des salaires, les compagnies d’assurance doivent elles aussi payer une facture d’électricité. « Troisièmement, il y a toute l’inflation qui vient de la chaîne de réparation, insiste l’expert. Le prix des pièces détachées explose ». Selon ses estimations, le prix moyen d’un rétroviseur a par exemple augmenté de 6 % entre 2021 et 2022, voire de 11 % pour les modèles SUV.
Dans le cadre de ses engagements en faveur du pouvoir d’achat, fin septembre, la fédération professionnelle France Assureurs avait d’ailleurs obtenu du ministre de l’Economie, Bruno Le Maire, l’installation d’un groupe de travail sur les pièces de rechange avec toutes les parties prenantes, y compris les constructeurs automobiles et leurs sous-traitants. Depuis, ces travaux n’ont pas fait l’objet d’avancées particulières.
Compagnies par agents plus agressives
L’amplitude finale de la hausse des tarifs dépendra toutefois de la concurrence. Après avoir cédé des parts de marché, notamment au profit des bancassureurs comme Crédit Agricole ou Crédit Mutuel, les compagnies distribuant par agents généraux (AXA, Allianz, Generali) mettent en place des politiques tarifaires agressives en affaires nouvelles dans l’automobile, selon Facts & Figures.
Dans l’assurance habitation, elles n’hésitent pas en revanche à laisser filer une partie de leur portefeuille tandis que les mutuelles sans intermédiaires (Covéa, Aéma…), les bancassureurs et les assurtechs (Leocare, Lovys…) sont les plus agressifs en matière tarifaire. « Les réseaux d’agents généraux sont en moyenne 10 % plus chers que le marché », estime Facts & Figures, qui réalise son baromètre annuel sur la base d’enquêtes anonymes.