Il s’agit de la plus grosse faillite bancaire aux Etats-Unis depuis la crise de 2008 : vendredi 10 mars, les autorités américaines ont fermé la Silicon Valley Bank (SVB) .
L’établissement a subi un « bank run », c’est-à-dire un retrait d’argent massif et soudain de la part de ses clients, auquel il n’a pas su faire face. Comment en est-on arrivé là ?
1. Une banque très exposée à la tech
Pour comprendre la déroute de SVB, il faut d’abord s’intéresser à son business model. Fondée en 1983, elle était – en termes d’actifs gérés – la 16ème banque des Etats-Unis il y a encore quelques jours. Pilier du financement des start-up de la tech, SVB gérait le cash de ces entreprises qui levaient de l’argent auprès de fonds de capital-risque et de capital investissement.
En parallèle, elle prêtait également de l’argent à ces fonds ou aux dirigeants des jeunes pousses. Selon Reuters, elle était le partenaire bancaire de près de la moitié des start-up américaines financées par capital-risque cotées en Bourse en 2022.
2. Un excès de liquidités
Ce système en vase clos a, pendant un temps, porté ses fruits. En 2021, le secteur de la tech a connu un engouement particulier à la faveur de la pandémie. Les start-up ont ainsi réalisé d’importantes levées de fonds. De quoi faire bondir les dépôts auprès de SVB, de 102 à 189 milliards de dollars. La banque a investi cet excès de liquidités dans des placements de long terme peu rémunérés et à faible risque, notamment des bons du Trésor américain.
3. Le retournement de la tech
Mais à partir de 2022, la déroute des valeurs de la tech a changé la donne. De nombreuses entreprises technologiques se sont retrouvées incapables de lever des fonds. Ce retournement s’explique par plusieurs facteurs, notamment la fin, assez brutale, de la politique monétaire accommodante de la Réserve fédérale américaine (Fed). Les taux de la Fed, à 0 % il y a encore un an, se situent aujourd’hui à 4,75 %.
Au lieu de remplir leurs comptes bancaires, elles ont au contraire « brulé du cash » en finançant leurs dépenses de gestion courante (salaires, loyers…), qui étaient jusqu’ici financées par les levées de fonds successives. In fine, leurs dépôts chez SVB se sont dégarnis. Un mouvement inverse de 2021.
4. SVB liquide ses obligations pour faire face aux retraits
Mais la banque n’avait pas suffisamment anticipé la situation. SVB avait en effet investi une grande partie des dépôts de ses clients (placés à court terme) dans des obligations, souvent des titres adossés à des créances hypothécaires d’agences fédérales (placés à long terme) qu’elle a dû liquider en urgence pour honorer les demandes de retraits.
Seulement, la politique monétaire de la Fed a aussi eu pour conséquence de diminuer la valeur du portefeuille obligataire de SVB : quand les taux montent, les prix des obligations diminuent. En vendant ces titres, la banque a ainsi accusé une perte de 1,8 milliard de dollars. Pour compenser, elle a indiqué jeudi vouloir une augmentation de capital de 2,25 milliards de dollars.
5. « Bank run »
Cette annonce a créé une onde de choc. Inquiets, les clients ont perdu confiance en SVB et ont massivement voulu retirer leur argent avant qu’il ne soit trop tard – on parle de « bank run ». Sur la seule journée de jeudi, environ 42 milliards de dollars d’ordres de retraits ont été passés. Tous n’ont pas pu être honorés, mettant ainsi les entreprises, qui ont besoin de cet argent pour rémunérer leurs salariés, en péril. SVB s’est retrouvée exsangue en l’espace de quelques heures.
6. Le sauvetage des autorités
Vendredi 10 mars, les autorités américaines ont fermé SVB pour protéger les dépôts et limiter le risque de contagion. Son administration a été confiée à la FDIC, l’agence qui gère l’assurance des dépôts bancaires. Cette procédure permet en principe d’assurer jusqu’à 250.000 dollars par déposant. Mais les dépôts des clients de SVB dépassent cette somme : plus de 90 % ne sont pas assurés.
Dimanche, au terme d’un week-end de crise, les autorités ont donc décidé d’étendre la garantie et de permettre aux clients de récupérer l’intégralité de leur dû. La Signature Bank a elle aussi été placée en faillite durant le week-end. La Fed s’est engagée à prêter des fonds aux autres banques qui feraient face à d’importantes demandes de retrait.
7. La réaction des marchés
La déroute de SVB a eu des répercussions négatives sur les cours des actions des banques, et ce jusqu’en Europe. « Cette réaction semble exagérée et les craintes d’une nouvelle crise financière systémique sont peu fondées », estime Eric Dor, directeur des études économiques à l’IESEG. Selon lui, la chute de SVB a été causée par des facteurs peu représentatifs de l’ensemble du secteur bancaire.
Un point de vue partagé par le ministre de l’Economie Bruno Le Maire, qui a tenté de se montrer rassurant : « Nous avons des banques qui sont solides », a-t-il souligné, qui « ne sont pas exposées à un seul secteur d’activité ». Elles ne sont pas non plus exposées à SVB, selon la Banque de France.