Scandale H2O : le gendarme boursier inflige une amende record de 93 millions d’euros

Publié le 3 janv. 2023 à 19:40Mis à jour le 3 janv. 2023 à 19:46

La Commission des sanctions de l’Autorité des marchés financiers (AMF) vient de rendre son verdict dans l’affaire H2O AM, le gérant d’actifs dans la tourmente depuis deux ans, après avoir dû geler sept de ses fonds, dans lesquels sont encore piégés des milliers d’épargnants français. Et l’addition s’avère élevée pour la star déchue de la gestion londonienne, encore en partie détenue par Natixis IM et ses dirigeants.

Le juge de l’AMF vient d’infliger à la société la sanction record de 75 millions d’euros. Contre Bruno Crastes, dirigeant général de H2O AM, il a prononcé l’amende maximale prévue par la loi contre une personne physique, soit 15 millions d’euros. Quant à Vincent Chailley, responsable des investissements, il devra payer 3 millions d’euros au Trésor Public.

Le montant de ces sanctions est exactement celui qui avait été requis par le Collège de l’AMF, équivalent du Procureur, fin novembre, lors de l’audition des mis en cause.

Sanctions disciplinaires

Ces amendes sont toutes assorties de sanctions disciplinaires. Celle à l’encontre de H2O AM s’accompagne d’un blâme. Bruno Crastes se voit quant à lui interdire d’exercer son activité de gérant pendant cinq ans – directement ou par délégation – mais aussi de « dirigeant d’une société de placements collectifs ou d’une société de gestion d’un autre Etat membre de l’Union européenne ayant une succursale ou fournissant des services en France, qui gèrent un ou plusieurs OPCVM ou fonds d’investissement alternatifs ». Vincent Chailley écope, pour sa part, d’un blâme en plus de son amende.

Jusqu’à présent, le record de la plus forte amende (32 millions d’euros) était détenu par Amundi. Elle lui avait été infligée pour manipulation de cours sur le marché des contrats à terme sur l’Euro STOXX 50.

Tous les griefs qui avaient été notifiés par le Collège de l’AMF ont été retenus. Le juge de l’AMF a estimé que H2O AM avait investi pour le compte de certains de ses OPCVM dans des titres financiers émis par des sociétés du groupe Tennor, lié au sulfureux homme d’affaires allemand Lars Windhorst , alors que ceux-ci n’étaient pas éligibles à l’actif des fonds. Et ce, pour trois raisons.

D’abord, le défaut de liquidité de ces instruments financiers compromettait la capacité des OPCVM à honorer les demandes de rachat des porteurs et H2O AM n’avait pas pris en compte de façon appropriée ce risque de liquidité au moment des investissements.

Ensuite, ces titres financiers n’entraient pas dans le cadre de la politique d’investissement fixée par les prospectus des fonds à défaut d’être notés par une agence de notation ou d’être émis par un émetteur noté par une agence de notation.

Enfin, H2O AM ne disposait pas d’informations suffisantes pour valoriser ces instruments financiers de façon fiable.

Ratio d’emprise

La Commission des sanctions a également estimé que H2O AM n’avait pas respecté le ratio d’investissement dit « ratio d’emprise » applicable à ces OPCVM, dès lors que certains d’entre eux ont détenu plus de 10 % de titres de créance émis par un même émetteur du groupe Tennor.

Le gendarme des marchés s’est aussi prononcé sur les investissements réalisés dans le cadre d’opérations consistant en un achat immédiat couplé à une vente à terme de titres, à une date et un prix convenus d’avance (opérations dites de « buy & sell back »). Le juge de l’AMF a considéré que H2O AM avait réalisé ces opérations ayant pour sous-jacents des titres financiers émis par des sociétés du groupe Tennor alors qu’ils n’étaient pas éligibles à l’actif des OPCVM.

Ordre de bataille

Cette décision pourrait avoir d’autres conséquences judiciaires. Elle est capitale pour les porteurs de parts dont l’argent est bloqué dans des fonds gelés investis en obligations illiquides du groupe Tennor. Ces derniers, qui se sont mis en ordre de bataille, entendent bien s’appuyer sur cette condamnation pour obtenir réparation du préjudice subi devant la justice. Les produits ont été vendus par des conseillers en gestion de patrimoine (CGP), des banques et des assureurs, notamment dans des contrats d’assurance-vie.

Cette décision de la Commission des sanctions contre H2O AM et ses dirigeants peut faire l’objet d’un recours.